La cage de handball ne fait pas envie.  « À mon époque, se souvient Philippe Bana, les gardiens n’étaient que des punching-balls. » Faute de volontaires, les entraîneurs expédiaient un malheureux dans la cage, souvent le moins talentueux sur le terrain.  « Quand j’étais prof de sport, reconnaît à contrecœur Daniel Costantini, ancien sélectionneur de l’équipe de France masculine (1985-2001), personne ne voulait y aller, alors je mettais toujours le petit gros. »

« Un ballon dans la tronche, c’est l’équivalent d’un coup de poing à la boxe. »

Franck Bordarier, toujours gardien à plus de 50 ans dans la cage de Fensch Vallée, club mosellan de 7e division

 

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Chez les femmes, le ballon peut arriver à près de 100km/h, et jusqu’à plus de 120 km/h chez les hommes. Confronté à de tels projectiles, l’instinct commande de se baisser ou de se retourner. Le gardien, lui, se livre, s’expose, fait face. Il n’a pourtant rien d’autre à opposer à ce tir qu’un corps habillé d’un bas de jogging, un maillot à manches longues et une coquille.

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Comme Amandine Leynaud, actuelle gardienne de l’équipe de France féminine, la plupart des gardiens ont vécu le petit doigt qui se casse, les hématomes sur les bras et à l’intérieur des cuisses, ou le nez qui saigne. À défaut de gants, ils ou elles choisissent d’attacher entre elles les phalanges les plus fragiles, pour éviter de plus gros dégâts en match.

« Tu as toujours peur, malgré l’expérience », reconnaît le gardien des Bleus Cyril Dumoulin. Pour la combattre, certains gardiens sont prêts à endurer un vrai supplice. Comme cet exercice, qui consiste pour le gardien à s’allonger au sol, sur le dos. Pendant que les joueurs dribblent autour de sa tête, le gardien doit rester immobile comme la cible d’un lanceur de couteaux. « Moi j’y arrive pas du tout, s’en amuse Victoria Alric, gardienne d’Issy Paris. Ça me fait encore plus peur. Je me dis que l’erreur est humaine, et que la balle peut toujours nous arriver dans la tête. »

Isolés dans leur zone, les gardiens peuvent être pris pour cible, et les tireurs en jouent. Un gardien touché, c’est un gardien déstabilisé. En 2009, en match de Ligue des champions contre Ciudad Real, Thierry Omeyer voit l’entraîneur espagnol demander à ses joueurs de lui tirer dans la tête. Le quintuple champion du monde s’en souvient très bien : « C’était de l’intimidation, ça peut exister quand un gardien est trop fort pendant un match. »

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Gardien, c’est une frustration permanente. « La moyenne, c’est un arrêt pour trois tirs, estime Rémy Gervelas, portier à Ivry. Sur un match entier, tu en arrêtes dix, mais tu en prends vingt. » « Si tu ne sais pas gérer l’échec, tu perds confiance, analyse le gardien nantais Cyril Dumoulin. Et tu prends des buts. Tout va tellement vite à notre poste qu’un moment d’hésitation peut te faire perdre 3-4-5 centimètres. Et 3-4-5 centimètres dans les cages, c’est un monde. »

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Jusque dans les années 1990, même au plus haut niveau, les entraîneurs ne savaient pas trop quoi faire des gardiens. Pour progresser, ceux-ci se débrouillaient.  « De temps en temps, les coachs consacraient 5% du job aux goals parce qu’ils avaient fini de gérer les 15 autres joueurs », se souvient Philippe Bana. Rarement passés eux-mêmes par les cages, les entraîneurs d’alors connaissaient peu le poste. « Aux entraînements, on les mettait dans la cage quand on avait besoin d’eux, raconte Daniel Costantini. Et puis après c’était “démerdez-vous”. »  

La solitude du gardien se prolonge en match. « Si un joueur loupe un but, décrypte Jean-Luc Kieffer, formateur de Vincent Gérard, l’actuel gardien des Bleus, il peut toujours se cacher derrière ses coéquipiers. Le goal, non, on l’attend à chaque sortie. » Laura Glauser, gardienne des Bleues, a très mal vécu cette pression à ses débuts en junior. « J’avais tellement peu confiance en moi que sur les matchs importants, je préférais être sur le banc plutôt que sur le terrain. »

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Rémy Gervelas, battu lors d’un penalty contre Montpellier.

La pression est d’autant plus grande que le poste est précaire. Le coach n’a aucune tolérance avec le gardien titulaire : s’il fait un mauvais match, sa doublure le remplace. L’entraîneur prend cette décision pour remobiliser le portier en échec, pour déstabiliser les tireurs adverses ou simplement parce que le gardien n’est pas bon.

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